mercredi 24 octobre 2007

Oxygen barre à mine dans ta gueule


Ouais alors cette vision de la grève là, c'était jeudi matin. On partait travailler (ou pas), il faisait beau, on pouvait s'attarder sur le chemin de l'école, même faire l'école buissonnière, suprême plaisir perdu. Une bribe de liberté qui revient, comme une bouffée, comme quelque chose qui a semblé exister et qu'on a perdu, ou qu'on a eu l'illusion d'avoir et qu'on n'a en fait jamais eu. Mais peu importe, c'est l'inhalation de cette bouffée d'oxygène pur qui donne la sensation de liberté, ce n'est pas la réalité. L'oxygène pur, ça n'existe que dans les Oxygen Bar japonais. Donc c'était chouette.

Mais bien vite, la réalité, elle réapparaît. Elle est bien là parce que le jour tombe, parce que je suis fatigué, parce qu'on est le 18 octobre, parce que j'ai envie de rentrer chez moi. Et là, ben oui en fait, la grève, c'est plus du tout sympa.

Ca y est oui déjà, au bout de 10h, c'est vraiment comme dans Last Exit To Brooklyn : au début, dans le livre, ils sont tous contents les grévistes, ils vont la fête, ils cuisent des saucisses, boivent de la bière, on va les faire plier ces salauds de patrons, haha on les aura ; et puis au fil du temps, il fait moins beau, il fait plus froid, et puis il faut s'organiser, elles sont où les saucisses ? comment ça y en a plus ? ; faut élire des délégués, faut discuter, voter, et c'est interminable, et ils ne plient toujours pas ; alors les dissensions arrivent, tout le monde n'est plus d'accord, certains abandonnent, parce que bon ya des gosses à nourrir quand même ; et puis, des joyeux drilles forts en gueule et motivés du départ ne restent que les syndicalogrévistes incultes, alcooliques et violents (euh c'est toujours dans le livre hein, j'ai pas dit que les syndicalistes étaient tous incultes, alcooliques et violents, non non je ne l'ai pas dit). Et là, donc, ben oui en fait, la grève, c'est plus du tout sympa.

A Paris, jeudi soir, des scènes d'apocalypse. Le chaos avait mis K.O. le lock-out. Vers 20h, au carrefour Parmentier, c'était du jamais vu, presque de la science-fiction : des voitures partout, dans tous les sens, plein de motos et de scooters qui se doublent, roulent sur les trottoirs, klaxonnent à tout va, cherchent à être les premiers sur la ligne de départ des feux tricolores qui sont pourtant déjà obstrués de chaque côté, et des vélos, des vélos, des vélos, qui foncent sur les piétons, passent des voies cyclistes aux voies de bus, aux trottoirs, aux routes, et puis plein de gens qui marchent au milieu de tout ça... ça provoque même des scènes de bagarres dans les rues tellement les gens sont à cran, les piétons cassent la gueule aux velib (si si), les voitures hurlent sur les scooters, les taxis s'énervent... Un 4x4 fait la morale à un VTT. Le VTT répond, dans les vapeurs bleutées du pot d'échappement du gros véhicule déjà parti, "parle tout seul connard, va te faire soigner la tête espèce de malade". Les belles idées ne durent pas.

Et puis vendredi, rebelote. Ben oui, les gens avaient pas prévu pour vendredi. Sur BFM TV ils avaient dit que la grève c'était jeudi.

(Photo : Ben / Florence, Avril 2007)

jeudi 18 octobre 2007

Marchons, marchons


C'est cool la grève. On marche et en plus les parisiens retrouvent l'usage de la parole.

Je crois que les français aiment bien la grève. Déjà parce qu'ils aiment bien se plaindre, la râlerie c'est un peu la seconde nature du français. Et là on râle tous pour la même chose, on est complices quand on râle ensemble, c'est sympa, contre ces salauds de grévistes. Et puis il y a cet esprit frondeur, ah nous on est des rebelles les français, on se laisse pas faire. Allez tous ensemble à la manif avec les grévistes. En gros tout le monde s'en fout d'être pour ou contre, personne n'y comprend rien, les grévistes ne savent d'ailleurs même pas ce qu'ils revendiquent. On aime juste bien ce joyeux bordel ambiant.

A ma Poste, ils font grève tous les lundis. On sait pas pourquoi, mais ya un panneau à l'entrée comme quoi ils ne délivrent que les colis et les recommandés. Déjà d'habitude c'est interminable, alors le lundi c'est hyper-interminable. Personne comprend comment ça marche, les gens s'énervent, prennent les autres à parti, invectivent les guichetiers. Des fois quand le guichetier ne sait plus quoi dire, ya quelqu'un qui sort la tête du bureau du fond et qui dit "Calmez-vous Monsieur, de toute façon nous ne voyons pas les postiers ici alors s'il n'a pas livré votre colis ce n'est pas notre faute et on ne peut rien faire" "Mais comment ça vous ne pouvez rien faire ? Vous êtes la Poste non ?" J'adore ça. Je n'irai chercher mes recommandés que le lundi, rien que pour ça.

En même temps, quand je pense à la grève, je ne peux m'empêcher de penser à Last Exit to Brooklyn d'Hubert Selby Jr. Le chapitre sur la grève, il est magnifique. Pas vraiment à la gloire des grévistes, hein. Mais bon, sa coupe de cheveux à Bernard Thibault elle est quand même pas poss'.

(Photo : Cathy / Annecy, 22 avril 2007)

lundi 15 octobre 2007

Braver la nuit


Bon 15 octobre, finies les pleurnicheries. Ca commence à déborder un peu trop. Eh oh, on est le 15 on se réveille. On n'a pas que ça à faire, pleurer en écoutant de la musique dans la rue sans raison parce que la fumée ça pique, ou en regardant la Callas emitouflé dans une fausse fourrure Ikea (40° en machine) sur son canapé parce que c'est beau, non c'est sublime, et que bon après ça quoi d'autre ?, toute cette sensiblerie à deux balles elle est bien jolie, mais après ya quand même encore une bonne trentaine d'années de cotisations retraite à se cogner (hein 36 ? vraiment ? non c'est pas vrai ?) et c'est pas Isabelle Adjani (qui vient d'avoir 36 ans d'ailleurs) qui va défendre les sans-papiers sans-ADN en se cachant des photographes avec un papier sur la bouche (message-message), des lunettes noires et ce sublime ensemble Dior, qui va le faire à ma place.

Oui tout ça, c'est bon pour le mois de septembre, le mois du troisième tiers (ah bon j'ai gagné autant d'argent que ça l'année dernière) et dépressions saisonnières post-rentrée des classes. Le mois où il fait moins beau (dis donc ils se foutent de nous à la météo ou quoi ? ils disent n'importe quoi et en plus j'ai lu que c'était le programme qui rapportait le plus en rentrées publicitaires à TF1, 171 millions d'euros en un semestre rien que ça, ça vaut le coup d'agiter les bras devant un mur vert pendant 5 minutes), mais en fait même pas, le moins où il fait moins chaud (putain j'auras dû prendre mon écharpe je vais choper la mort), mais en fait même pas, le mois où la lumière baisse (ah il marche bien l'hallogène de ton bureau c'est cool, je l'aurais pas pris en bleu et pis d'ailleurs je préfère les bougies, mais bon il marche bien), alors là oui si quand même.

Maintenant, le soir on s'enfonce fiévreusement (demain je prends mon écharpe) dans la nuit au lieu de s'envoler victorieux vers le soleil couchant, c'est peut-être ça la différence... Et pis heureusement, la Starac recommence le 23. Ouf on est sauvés.

(Photo : Ben / Florence, Avril 2006)