dimanche 2 mars 2008

Je n'ai jamais rencontré d'ours polaire


Et si le réchauffement climatique n'était que de la poudre aux yeux ? Et si le vrai sujet, ce n'était pas le temps qu'il fait mais plutôt le temps qui passe ? Et si tout le monde se trompait ? Est-ce que le temps, cet incompressible ennemi, n'est pas devenu incontrôlable ?

Les journalistes, ces déjà-obsolètes observateurs du présent, sont la preuve de cette course insensée contre la montre. Ils étaient gardiens du temps, commentateurs du présent, raconteurs des faits, observateurs de notre quotidien, garants de l'éphémère. Mais ils savent qu'ils ne le sont déjà plus. Le citoyen, le monsieur lambda, la madame tout-le-monde, la France d'en-bas, tous sont aussi journalistes maintenant. Le temps n'appartient plus à personne. Il a été multiplié par lambda. Il s'achète et se revend.

Alors on s'agite, on court, on cherche l'exclu, le scoop, la nouvelle nouvelle, le new news. Et ensuite on commente, on s'agite encore, on recommente, on recommence. On met en abyme, on analyse, on brasse de l'air. Un jour-une polémique. La discussion suscitée par la polémique porte à polémique. La polémique suscitée par la discussion porte à discussion. Et puis on s'énerve, on se révolte contre du vent, on s'insulte parce qu'on n'y comprend plus rien. Sarko n'a pas insulté un passant au salon de l'agriculture. Ces images n'auraient juste pas dû exister. Elles sont le cri d'effroi d'une profession qui meurt.

Et si les journalistes étaient en fait des ours polaires ?

(Photo : Ben / Bangkok, Janvier 2008)