Apothéose de la lenteur
Je crois que je suis quelqu'un de lent. Je lis très lentement, je mets parfois des mois à finir un bouquin. Je mange lentement, sinon j'ai mal au ventre et j'ai envie de dormir. Je pense lentement, je ne ris jamais aux blagues sur le coup, et je comprends qu'elles ne sont pas drôles qu'après. Quand on me pose une question, je réfléchis et puis je réponds. Souvent c'est déjà trop tard. Des fois, la personne qui m'a posé la question n'est même plus en face de moi.
Mais ça, c'est pas possible. Je me rends compte que la lenteur, la contemplation, une forme de mélancolie sans défaitisme, l'hésitation, le doute, et voire même, allons-y, la réflexion sont des valeurs qui n'ont pas lieu dans le monde du travail, le seul monde qui existe pour beaucoup de gens. D'ailleurs, ce ne sont même pas des valeurs. Pour certains, ça n'existe tout simplement pas. Et hop, Pssshit.
Ce qui est bon, ce qui est valorisé, ce qui fait avancer c'est la rapidité, la prise de décision, le tac-o-tac gagnant, l'impulsivité, le fait de savoir trancher, là maintenant tout de suite parce que c'est hyper urgent. Savoir décider, sans états d'âmes, sans "ah mais si...", sans regrets et sans vergogne. C'est marrant parce qu'après, on se retrouve avec un "Regrets Eternels" et pis des fleurs en plastique sur sa tombe, merci bien, vous m'avez bien eu les gars.
Mais non, l'impassibilité et l'équanimité ont beau être des jolis mots, ce qu'on veut c'est de la réactivité bordel. Je ne parle même pas de la pusillanimité face au courage, ce truc si galvaudé. Le doute est inquiétant, il faut des réponses. La patience est suspecte, il faut de la motivation. L'incertitude est angoissante, il faut de l'assurance. Des "mais oui bien sûr" tonitruants. Des "ah non pas du tout" retantissants. Des "je vous l'avais bien dit" pleins d'allant.
Se pose alors à moi la trouble question suivante : n'a-t-on pas le droit d'être mauvais ? n'y a-t-il de salut que dans la performance ? faut-il aller toujours plus vite et être toujours plus meilleur ? Mais ces interrogations sur le monde du travail et ses valeurs sont sans issue. J'ai depuis longtemps constaté avec effroi que les valeurs dans la vie et les valeurs dans le travail ne sont pas les mêmes du tout, et oh mais c'est horrible elles sont parfois carrément opposées. Il est préférable d'être agressif, pugnace, opiniâtre. Il est toujours bon d'être insensible, autoritaire, dénué de sensiblerie. Il est plus facile d'être roublard, menteur, sans scrupules, et même d'être un sacré casse-couilles. Ah quel sacré casse-couilles celui-là, bravo ! Une personne avec ces qualités-là dans la vie, je la déteste. Comment pourrais-je alors devenir quelqu'un que je déteste la plus grande partie de ma journée, pour me retrouver ensuite face à moi-même ? Cette schizophrénie m'est définitivement impossible.
Et puis bon, cet ordinateur commence sérieusement à me gonfler ce soir, il est hyper lent, ça rame comme jamais, les mots mettent un temps fou à s'afficher, je vais encore passer une plombe à essayer de mettre une photo, mais qu'est-ce qui se passe bordel de §%$!&?(#*:+ ?? Allez je le change.
(Photo : Ben / Irlande, Mai 2007)
Mais ça, c'est pas possible. Je me rends compte que la lenteur, la contemplation, une forme de mélancolie sans défaitisme, l'hésitation, le doute, et voire même, allons-y, la réflexion sont des valeurs qui n'ont pas lieu dans le monde du travail, le seul monde qui existe pour beaucoup de gens. D'ailleurs, ce ne sont même pas des valeurs. Pour certains, ça n'existe tout simplement pas. Et hop, Pssshit.
Ce qui est bon, ce qui est valorisé, ce qui fait avancer c'est la rapidité, la prise de décision, le tac-o-tac gagnant, l'impulsivité, le fait de savoir trancher, là maintenant tout de suite parce que c'est hyper urgent. Savoir décider, sans états d'âmes, sans "ah mais si...", sans regrets et sans vergogne. C'est marrant parce qu'après, on se retrouve avec un "Regrets Eternels" et pis des fleurs en plastique sur sa tombe, merci bien, vous m'avez bien eu les gars.
Mais non, l'impassibilité et l'équanimité ont beau être des jolis mots, ce qu'on veut c'est de la réactivité bordel. Je ne parle même pas de la pusillanimité face au courage, ce truc si galvaudé. Le doute est inquiétant, il faut des réponses. La patience est suspecte, il faut de la motivation. L'incertitude est angoissante, il faut de l'assurance. Des "mais oui bien sûr" tonitruants. Des "ah non pas du tout" retantissants. Des "je vous l'avais bien dit" pleins d'allant.
Se pose alors à moi la trouble question suivante : n'a-t-on pas le droit d'être mauvais ? n'y a-t-il de salut que dans la performance ? faut-il aller toujours plus vite et être toujours plus meilleur ? Mais ces interrogations sur le monde du travail et ses valeurs sont sans issue. J'ai depuis longtemps constaté avec effroi que les valeurs dans la vie et les valeurs dans le travail ne sont pas les mêmes du tout, et oh mais c'est horrible elles sont parfois carrément opposées. Il est préférable d'être agressif, pugnace, opiniâtre. Il est toujours bon d'être insensible, autoritaire, dénué de sensiblerie. Il est plus facile d'être roublard, menteur, sans scrupules, et même d'être un sacré casse-couilles. Ah quel sacré casse-couilles celui-là, bravo ! Une personne avec ces qualités-là dans la vie, je la déteste. Comment pourrais-je alors devenir quelqu'un que je déteste la plus grande partie de ma journée, pour me retrouver ensuite face à moi-même ? Cette schizophrénie m'est définitivement impossible.
Et puis bon, cet ordinateur commence sérieusement à me gonfler ce soir, il est hyper lent, ça rame comme jamais, les mots mettent un temps fou à s'afficher, je vais encore passer une plombe à essayer de mettre une photo, mais qu'est-ce qui se passe bordel de §%$!&?(#*:+ ?? Allez je le change.
(Photo : Ben / Irlande, Mai 2007)
1 commentaire:
Tout pareil, un brin mimace, mais çà y est, depuis que j'ai rêvé à Johnny Halliday c'est allumé le feu pour moi (j'ai juste peur de pas tenir le cap). Allez on y croit.
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