samedi 29 septembre 2007

Quand je pleure dans la rue, je ne vois plus flou


Comme je suis un peu myope, je vois un peu flou. Pas assez pour porter des lunettes tout le temps, mais suffisamment pour ne pas reconnaître les gens de loin. C'est bien pratique, ça donne l'impression de ne pas être vu, puisqu'on ne voit pas. Je peux regarder n'importe où, ce léger brouillard trouble ce que je ne veux pas voir. Parfois c'est moins commode, parce que je dois m'approcher pour être sûr que la personne qui est là-bas est bien celle qu'il me semble avoir reconnu. Des fois, elle l'est, des fois non.

Mais souvent dans la rue, je ne regarde pas les gens. Ben oui, ils sont flous. D'ailleurs eux non plus ne regardent pas, et ils me foncent dessus. On s'évite au millimètre, ou pas. Ca arrive tout le temps, tous les jours. Ils font comme s'ils ne voyaient pas. Ils ne voient peut-être plus. Ils sont peut-être tous très myopes. La plupart du temps, ça ne semble pas les déranger. Ils foncent devant eux, sur les autres, c'est pas grave, les autres se poussent, de toute façon. Ils ne s'excusent pas, ils n'ont pas le temps.

Et parfois, tout à coup, des larmes me viennent. Sans prévenir, sans raison. Comme ça. Mes yeux s'humectent, je peux voir la larme gonfler au bord de la paupière, avant qu'elle ne coule, puis je la sens descendre sur la joue. Je ne sais pas pourquoi, ça vient dans la rue, sans motif particulier, juste en écoutant de la musique même pas triste. Sans doute un trop-plein émotionnel à déverser là tout de suite maintenant, bien aidé par la pollution ambiante, parce que bon dans cette rue étroite avec ce bus qui fume, ces voitures qui ont passé le contrôle technique en 1982 et qui avancent au pas et ce vent de face, ça pique les yeux.

Alors grâce à la pollution qui donne ce délicat sentiment d'une sensibilité exacerbée en raisonnance avec la fureur de la ville, les larmes ne brouillent plus, quand elles retombent elles contrebalancent l'accroissement des dioptres intra-cristalliniens et le monde devient soudain net.

Alors je les sèche.

(Photo : Ben / Venise, Avril 2006)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Ben,

Je dois dire que votre blog est des plus intéressants. Je ne suis pas du genre à lire ces trucs habituellement, mais le vôtre a capter mon attention. Vos idées ce sont rendues au Canada!! J'aimerais bien avoir l'honneur de vous compter parmis mes amis Facebook, alors chercher-moi sous Marie-claude Soulière si le coeur vous en dit!!

Merci de me faire rire et rêver!