mercredi 30 mai 2007

La fièvre


Ce qu'il y a de bien avec le fait d'être malade, c'est de savoir qu'on va aller mieux. Quand ça va bien, on ne peut pas se dire que ça va aller mieux. Quand on est en pleine forme, quand on a la niaque, quand on a le moral, quand on est au top, quand on a la gagne, quand on est gagnant-gagnant, quand tout va bien, qu'est-ce qui peut être mieux que bien ? Demain ne peut être qu'angoisse, tourment, déchéance et désagrément. Alors que quand on a 39,5° et que l'on grelotte en transpirant au fond de son lit, avec un mal de tête carabiné qui n'a pas cessé d'augmenter depuis 4 jours, les amydales en feu et les intestins sans dessus dessous qui donnent envie de courir aux toilettes malgré les courbatures, quel délicieux sentiment. Quel agréable tourment. Quel doux bercement de savoir que ça ne pourra être pire. Demain sera libération, soulagement, résurrection. Demain sera espoir. Demain sera nouveau départ. Demain sera Nouvelle Star (oui demain c'est jeudi).

(Photo : Ben / Rome, Mai 2006)

samedi 26 mai 2007

Paranoïd Cannes


Alors ça doit paraître complètement (abs)con de revenir de 4 jours à Cannes et de dire "Ahlala je suis content de revenir à Paris, j'en pouvais plus, je suis é-pui-sé." C'est ridicule, je le concède, mais c'est vrai. 4 jours ça suffit. Après on devient dingue. C'est ce qu'on appelle l'effet-Cannes.

C'est toujours pareil. Cannes, à chaque fois, je rêve d'y aller et quand j'y suis, je ne pense plus qu'à m'y échapper. 4 jours de festival c'est minimum 2 jours de gueule de bois quand on revient. Alors au bout de 10 jours, il faut une semaine pour s'en remettre. Oui c'est futile, oui c'est ridicule, mais voilà. C'est paillettes, c'est showbiz, c'est je-suis-jamais-content, c'est je-suis-mal-placé, c'est il-est-où-mon-scooter-putain-et-je-veux-pas-un-50-j'avais-demandé-un-120, c'est porte nawak, c'est l'effet-Cannes.

Le premier jour j'arrive donc détendu comme un parisien qui prend le métro tous les jours, qui se sent obligé de rester bosser au bureau tous les soirs jusqu'à 19h30 parce qu'on a passé la journée à lui poser des questions auxquelles il ne savait pas répondre, qui n'a pas eu le temps de faire son sac et donc l'a fait en vitesse entre 2h et 3h du matin avant de dormir 4h pour essayer de prendre un train en compagnie de la sympathique mais néanmoins extrêmement bruyante chorale de Gardanne (-"Vous ne seriez pas contre-ténor par hasard jeune homme, il nous manque un chanteur ?" -"Ah non désolé j'ai la place 104") et qui visiblement a des prix de gros dans le même salon de coiffure, "S'Coupe Coiffure" le spécialiste du mèche-à-mèche peut-être, 21 rue Parmentier 04 42 58 05 02 vous m'en direz des nouvelles, ainsi qu'en compagnie du plein d'allant club rugby d'une vague école d'ingénieurs amateurs de lancer de ballon en wagon et d'aphorismes tels que "elle marche pas la clim ? non c'est le réchauffement de la planète" qui permettent également de confirmer que l'on vend bien de la bière dans les bars TGV à 3,20 € et c'est donné, prendre un train donc, à cette fameuse place 104, ah c'est un carré, ah ben j'ai le couloir, dis donc c'est vraiment la totale. Et c'est parti pour 5h08. Moi je veux dormir mais eux visiblement non, ça y est c'est déjà l'effet-Cannes.

Le premier réflexe forcément en arrivant, c'est les lunettes de soleil. Il s'agit de pas les perdre celles-là, c'est aussi précieux qu'une accréditation Presse Blanche avec la pastille dorée et le R dessus (A quand une thèse sur les accréditations cannoises ?). Oui parce qu'il y a du soleil. Waw. Et il fait pas un peu 30°C là ? Elle est loin la rue du Commandant André ?, parce que la veste en velours noir là va pas être tenable plus de deux minutes. Ah c'est au quatrième sans ascenseur ? Ah j'ai un lit de camp dans le salon qui est aussi l'entrée, la cuisine, le bureau, la pièce de passage et la salle commune ? Ah on n'a qu'une clé pour six ? OK super, qui vient boire une bière ?... ça va mieux mais 18 € à deux quand même, c'était pas 3,20 € dans le TGV ? Comment ça, c'est cette bière marocaine tu crois ? Ah non c'est l'effet-Cannes.

Alors au début on résiste un peu, mais finalement à quoi bon. On est en plein dedans alors il faut jouer le jeu. C'est la collusion du glamour vernissé et de la vulgarité crasse, de la cinéphilie la plus pointue et de la bêtise la plus assumée, de l'ostentatoire et de l'invisible, du bling-bling et du sentiment. Un monde de privilégiés et de laissés pour compte, une sorte de méga bulle, un hyper marché ultralibéral géant où le but est de monter les bonnes marches au bon moment, entrer dans les bons endroits avec les bonnes personnes, fréquenter les bonnes fêtes avec les bons traiteurs. Le tout sans débourser un centime bien sûr, quand l'homme de la rue ce fou cet inconscient paie 26 € sa Salade Gourmande avec des crevettes congelées dedans à la plage du Goéland avec vue sur la table du voisin. L'effet-Cannes.

En plus, au bout d'un certain temps (2h-2h02), on se prend presque à apprécier. Le monde de toutes les démence rend forcément dément. La planète de tous les excès donne des envies excessives. Le défilé de toutes excentricités oblige à la mansuétude la plus dévote. Et puis finalement nous on s'amuse et pas eux. C'est ça qui est bon. Car oui ce monde est aussi celui de l'humiliation permanente, de la frustration organisée comme outil d'excitation collective, de l'élite et de la foule, le monde des cartons d'invitation, des pass VIP, des badges bleus, verts, rouges, roses, des coupe-files et des laissez-passer, le monde des vigiles à chaque entrée d'hôtel, à chaque entrée de plage, à chaque marche, à chaque porte, le monde des portiques d'aéroport et des fouilles de sécurité 18 fois par jour, le monde des voitures officielles, des limousines avec chauffeur, des palaces à perte de vue tels d'incoercibles HLM de banlieue baignés dans la trivialité de cette Côte d'Azur putassière. Le seul pays où les étoiles côtoient la fange, où n'importe quelle bimbo peroxydée peut se croire MM, où tous les artistes et autres agents d'artistes bien-pensants qui viennent nous faire la morale à longueur d'année à la télé ou manifester pour le statut des intermittents ou nous expliquer qu'il faut voter Ségolène-bien-sûr ou qui vont taper la discute à Cachan avec des sans-papiers quand il y a plein de caméras redeviennent enfin eux-mêmes quand ils donnent des coudes pour entrer dans la fête d'Abel Ferrara dans une villa à 3.700.000 € sur les hauteurs de la "Californie" et tant pis pour ceux qui n'ont pas eu d'invit, on est si bien entre nous, comment ça ya plus de champagne ? ah ouf tu m'as fait peur, t'es con vraiment, tu vas m'en chercher ? Le seul pays où on a le sentiment d'avoir vécu un truc dingue et normal en même temps en croisant Tarantino à la pizzeria. Car oui, je confirme que Tarantino aime la pizza et que la très jolie Rosario Dawson aussi. Quatre fromages je crois. C'est aussi ça, l'effet-Cannes.

Alors oui, le film de Tarantino, Boulevard de la mort, est une tuerie, dans tous les sens du terme. Ce mec aime la Quatre fromages mais il est quand même génial pour ces 20 minutes de délire vrombissant absolu.
Alors oui, le film de Gus Van Sant, Paranoïd Park, est sublime, si fort de fragilité, si tourbillonnant de lenteur, si euphorisant de contemplation.
Alors oui, Mon frère est fils unique de Daniele Luchetti est un petit délice italien d'intelligence, d'humour et de sensibilité.
Alors oui on rentre parfois dans une salle sans trop savoir ce qu'on va voir et on se fait retourner le cerveau et/ou les tripes.
Alors oui, il y a parfois même des petits miracles. On s'est levé à 7h après 3h de mauvais sommeil à cuver une soirée trop arrosée car il n'y avait plus rien à manger au buffet, et on se dit qu'on va continuer tranquillement sa nuit dans la salle déjà comble à 8h, mais ces gens sont vraiment fous ?, et là, dans le noir, les chaussures sous le siège, lové dans un pull pour se protéger de la clim, c'est étrange, mais tiens, on pleure. Les glaciers s'effondrent et on ne peut plus décoller les yeux de l'écran. C'est juste magnifique, et il n'y a soudain plus rien à dire, juste à ressentir. La salle ne dit rien. La salle aussi est lovée. C'est Le scaphandre et le papillon.
Car l'essentiel est tapi là, dans le noir, à l'abri de la lumière. C'est pour ces moments-là que je continue à y croire. L'effet-Cannes donc.

(Photo : Ben / Cannes, Mai 2005)

dimanche 13 mai 2007

Icônes


Comme je n'arrive pas à finir ma période Marilyn (je m'endors sur Marilyn Monroe, Enquête sur un assassinat, que j'avais entrepris suite à l'euphorie suscitée par la lecture du génial, troublant et émouvant Marylin dernières séances et galvanisé par la relecture du superbe The Misfits, Chronique d'un tournage, prévoyant même de m'atteler au pavé Blonde, oui 1110 pages je peux le faire allez allez), je me dis que je vais peut-être directement passer à ma période Napoléon et essayer de réattaquer les 4 tomes de Max Gallo. Bien sûr, aucun rapport avec le message précédent.

(Photo : Ben / Rome, Mai 2006)

samedi 12 mai 2007

Dur dur


Tiens, le ciel est bleu ce matin.

Je n'ai pas écrit grand chose depuis l'élection. Pour ainsi dire rien. Il faut dire que j'ai suivi l'entre-deux-tours depuis l'Irlande, j'ai dû rattrapper mon retard. Pourtant je bouillonnais, il y avait tellement de choses à dire, tous les jours. Mais j'ai appris, depuis que j'ai fait mon coming-out politique, depuis que j'ai osé avouer l'inavouable, l'improbable, l'impensable, depuis que j'ai avoué que je ne votais pas à gauche, j'ai appris qu'il fallait se la jouer profil bas. On a le droit de gloser, d'arranguer, de s'enorgueillir, d'affirmer, de revendiquer, de donner des leçons à tout va quand on vote à gauche. Qui dans Les Inrocks, qui dans Libé ou qui sur l'hilarant blog d'Ariane Mnouchkine nous "en suppliant" de voter Royal. D'ailleurs, la plupart des artistes le font au lieu de se contenter d'écrire des chansons, ça doit faire bien. Tout le monde trouve ça formidable. Ou pas, mais au pire tout le monde s'en fout joyeusement et ça passe. Mais quand on vote à droite c'est l'inverse, personne ne s'en fout alors il ne faut pas trop le dire sous peine d'être perpétuellement soumis à la vindicte, de devoir se justifier en permanence, d'être parfois même ostracisé et tout du moins suspecté, quoi ? non ?... pas toi ? (non c'est vrai ? vraiment ? mais pourquoi ??). Allez, non j'arrête la victimisation, c'est toujours trop facile. Je suis passé dans le camp des méchants, il va falloir assumer maintenant. Mais je ne savais pas que c'était si dur d'être de droite. En plus les méchants ont gagné. Oui, Dur... dirait Libé.

(Photo : Ben / Irlande, Mai 2007)