Onze mille deux cent vingt deuxième jour
Je reste de plus en plus persuadé que le temps n'est pas linéaire. Et que ce n'est pas une valeur extrinsèque, libre de tout, ou 1 + 1 font deux, mais bien intrinsèque à chaque individu. Il y a un temps différent par être vivant, puisqu'il naît et meurt. Des milliards de temps.
Car comment expliquer que le temps passé sur le fauteuil d'un dentiste qui est en train de vous parler, alors que vous ne pouvez pas répondre puisque vous avez un tube qui fait glou-glou dans la bouche et une énorme fraise qui fait vrr-vrr, paraît interminable ? C'est bien qu'il est vraiment interminable. Je suis sûr que le temps est élastique.
Et comment expliquer que les journées de classe quand on est enfant semblent durer à l'infini, que les dimanches pluvieux quand on a 10 ans s'étirent inexorablement ? Alors que maintenant, en une journée de travail, j'ai la sensation de passer deux coups de fils, et qu'en un week-end, il me semble avoir fait un dixième de ce que j'aurais pu faire. Est-ce que c'est moi ou est-ce que je n'y peux rien ?
Aujourd'hui, j'ai 30 ans, 8 mois, 20 jours et quelques heures. Autrement dit, 11.222 jours. Enfin je crois. Aujourd'hui, cette journée de dimanche représente 0,0089 % de ce que j'ai déjà vécu. Autant dire rien. A 10 ans, une journée devait faire environ 0,027% du temps vécu. C'était déjà rien, mais c'était beaucoup plus. Alors est-ce que l'on ressent de moins en moins la sensation de durée ? de durer ? Je n'ose imaginer ce que ce sera à 70 ans.
Ces considérations de somnambule angoissé doivent sûrement être incluses dans la théorie de la relativité d'Einstein quelque part dans un coin, je n'en doute pas, mais je n'en trouve pas d'explication claire et simple. Ou tout du moins convaicante à mon goût. Alors je préfère imaginer. C'est ce que j'arrive encore le mieux à faire. Quand j'ai le temps.
(Photo : Ben / Londres, Janvier 2006 déjà)