mardi 22 août 2006

Glamour, Greed & pas Glory


Quoi de plus agréable, quand vous avez travaillé pendant un mois sous la canicule sans climatisation et que vous rentrez d'une semaine de vacances sous la pluie (voyage aller et retour compris), puis que vous ouvrez votre boîte aux lettres et découvrez votre avis d'imposition 2005 contenant un chiffre qui vous donnerait presque envie d'écouter les chansons de Florent Pagny tellement il semble improbable, ainsi qu'une facture de téléphone portable du double du montant habituel alors que vous avez changé le mois dernier pour un forfait avec des heures illimitées le soir sur les conseils de votre opérateur afin d'ajuster votre forfait à votre consommation alors que vous téléphonez toujours en journée, et enfin une lettre de votre club de gym qui vous rappelle amicalement que vous n'y avez pas mis les pieds depuis 3 mois et qu'il faudrait peut-être se bouger ou alors prendre un rendez-vous avec un coach pour faire le point, puis que vous ouvrez votre boîte mail et que vous avez 148 spams pour du Viagra, du Xanax et des systèmes de "penis enlargement" et 1 mail de votre opérateur téléphonique qui vous donne des conseils de consommation et qui connaît décidément tout sur vous, même votre mail, quoi de plus agréable, donc, après toutes ces bonnes nouvelles, que de regarder L'Ile de la Tentation pour éviter la luxation de neurones ?

Chez nos amis tentateurs et trices, par contre, c'est le bonheur. De vraies vacances au pays de la vidéosurveillance 24/24. Et cette semaine, le ton monte. Pendant que certains "découvrent de nouvelles sensations", d'autres "vivent leur aventure jusqu'au bout" ou "partent en vrille complètement" et les derniers "jouent avec le feu". En gros, ce sont des expressions synonymes pour "je trompe ma femme", mais bon ça se dit pas à la télé.

Heureusement, il y a nos amis Joël et Jennifer pour remonter le niveau. Et leur mission, ils l'accompliront jusqu'au bout, jusqu'au dernier instant. Ils ont un message à répandre sur la Terre, et ils y arriveront, coûte que coûte, vaille que vaille. Même s'il faut boire des cocktails multicolores qui ont chauffé deux heures au soleil avec des inconnus en maillot de bain, même s'il faut répondre sur ce qu'on ressent là maintenant alors qu'on a juste envie de faire la sieste, même s'il faut prendre sa douche habillé parce qu'il y a un caméraman planqué derrière le "mur" en bambou teinté acajou.

Joël, malgré tous ces strings qui s'agitent devant lui, ne change pas de discours et prône toujours sans ciller "l-amour-le-vrai", en français, en portugais, dans toutes les langues. "Qu'avez-vous vu Joël ? Rien !" Même pas peur. Même les images dans le petit moniteur ne lui font aucun effet, comme des balles qui ricochent sur le collant bleu canard de Superman. Il en a "rien à foutre" des tentateurs et il croit en l-amour-le-vrai (concept labellisé et testé par Joël et Jennifer), "rien ne me fait peur". Une véritable homélie : "... de montrer à tout le monde que l-amour-le-vrai existe... bla... et qu'il vaut le coup d'être vécu... bla... malgré le cadre hostile... bla... quand on aime on aime". Jennifer, c'est Joël avec des cheveux longs, elle dit exactement la même chose, "... quand on aime c'est un tout... bla... ça se passe à l'intérieur... bla... je crois en l'amour, et les gens je veux qu'ils croivent aussi en l'amour". Oups, j'ai dit "relever le niveau" ? OK, je retire.

Pourtant, Cyril-le-tentateur a bien essayé de séduire Jennifer-la-prêcheuse-de-l'amour. Il était motivé : "si ya moyen... non non, si ya moyen bien sûr, pourquoi pas, bien sûr je... si ya moyen". Voilà qui est bien parlé. Et Cyril "sort le grand jeu" (sic). Bon alors le problème, c'est que quand Cyril sort le grand jeu, en fait il sort surtout sa plus belle mèche plaquée sur le front. Qu'il réajuste dès que l'occasion se présente (ben oui si ya moyen, faut faire gaffe). Parce que sinon, le "grand jeu" c'est tongs-bermuda à fleurs-chemise ouverte jusqu'au nombril pour la tenue, casquette de travers (rien n'est laissé au hasard) pour le style, et tirage de chaise pour la galanterie. Avec la phrase qui tue : "je vais te tirer la chaise, je le fais tout le temps, j'ai l'habitude". Si avec tout ça elle craque pas, c'est à n'y rien comprendre. Mais là, patatra, la boulette : Cyril mange avec les coudes sur la tables. Et ça c'est pas possible. Au revoir Cyril.

Pour Vincent et Mélanie, ya toujours le feu à la maison et tout va très bien, Madame la Marquise. Donc ils s'insultent copieusement par vidéo interposée. Mais bon là c'en est arrivé à un point ou en fait ils s'insultent avec des "biip" pour pas qu'on comprenne les vilains mots. Sauf quand les "biip" sont mal placés, comme quand Mélanie dit avec la grâce d'une marchande de poissons (mais toujours impeccablement manucurée) : "j'ai vu Shanice qui parlait de Vincent et d'elle que comme quoi Vincent voulait coucher avec elle... je vais le tuer je crois... c'est pas un homme, c'est un gamin... je veux dire pour ma part, j'espère que je vais tomber sur un vrai, un homme, mais un vrai, pas une tapette "biip" quoi, j'en veux un vrai". Oh ben on aurait pu tout biper en fait, par respect pour Mélanie.

Pendant ce temps, le pasteur Joël essaie de ramener la brebis égarée Vincent sur le droit chemin, en utilisant les moyens les plus funambulesques : "Discute avec elle, tu tiens à elle, ça se voit quand tu parles" - Vincent : "Je tiens à elle ?? Tu tiens à ta copine toi ?" - Harry : "Je sais pas si je vais repartir avec ma meuf, p'têtre que ouais mon frère, ben ouais... toi c'est mort, il te reste deux jours, mon frère, plante le drapeau." - Vincent : "Si ça se trouve, elle va me voir, elle va se calmer direct hein." - Joël : "Et ouais !... euh ouais mais... mais toi par contre faut que t'arrêtes de déconner. C'est tout." - Eric : "Toi tu te prends la tête zarma, mais ta meuf elle tient à toi grave. Tu fais zarma de pas le voir ou tu le fais exprès de ou tu veux pas le voir ?". Bon c'est sûr qu'avec des conseils comme ça, c'est pas gagné. Zarma-gagné quoi.

Eric, qui justement distille de si judicieuses et pertinentes suggestions avec sa plus belle chemise pleine d'étiquettes partout (c'est cool les étiquettes partout, à quand la veste à franges ?) poursuit dans sa quête du moi et surtout du moi-moi-moi. "J'ai cédé à la tentation, tout bonnement quoi. Je l'assume, c'est pour moi un acte de courage de le dchire. Sandra en m'écoutant comprendra que JE suis arrivé à un point où il faut plus tricher sur nous et il faut connaître des choses nouvelles." Personnellement, je trouve que le véritable acte de courage, c'est d'arriver, toujours avec cette même chemise, et dans le plus grand sérieux, à dire à Gyselle qui ne comprend pas des mots comme "attacher" des phrases aussi sublimes que "Quand je te vois, je vois la vie" ou encore "C'est toi le soleil". Il y a un autre truc, c'est qu'il faudra qu'Eric arrête de commencer toutes ses phrases par "je pense que", parce que là, avec de tels aphorismes d'hypermarché, il ne va plus arriver à faire illusion longtemps...

Mais cette semaine, le duel au sommet, c'est Emeline et Harry qui nous le réservent. Harry confesse également l'irréparable : "Ouais j'ai cédé à la tentation, j'ai cédé à la tentation, je vais pas mentchir, ça sert à rien de mentchir, j'ai cédé à la tentation". Parce que oui, je ne sais pas si c'est parce que Harry trouve ce qu'il dit très intéressant ou parce qu'il ne sait pas quoi dire d'autre, mais il répète tout trois fois. Peut-être une habitude de vendeur de chaussures (-"Vous voulez essayer le 43 ? Vous voulez essayer le 43 ? Vous voulez essayer le 43 ?" -"Oui bon OK je veux bien"... en effet, ça marche). Et ça se vérifie : "J'ai fait l'abrutchi voilà, j'ai fait l'abrutchi, j'ai vraiment fait l'abrutchi sur ce coup-là". On ne peut que confirmer une telle sagacité. Et parfois, quand la poésie des mots s'adjoint au style, la mélopée se mue en envoûtement : "Si elle a vu ce que j'ai fait, elle a dû péter là, mais comme un pop-corn, elle a dû vraiment, comme un pop-corn elle a pété, sûr." Baudelaire est mort (ah oui vraiment).

Emeline, elle, après avoir voulu partir et puis non finalement je reste, se croit carrément dans Dynastie. Et elle se prend pour Joan Collins (oui oui Alexis Carrington, enfin Alexis Morrell Carrington Colby Dexter mais faisons la courte) qui veut se venger de son ex-mari, qui l'a fait taaaant souffrir. Alors tremble Harry Carrington. Boostée par une explication on ne peut plus claire du tentateur-mathématicien Jérôme ("Tu serais restée 3 ans ou 4 ans avec lui, tu aurais perdu 3 ans ou 4 ans, là ça fait combien tu m'as dit, un an, 2 ans et une semaine, et une semaine qui en compte... qui t'as permis de voir des trucs que tu aurais vu par exemple, qu'il t'aurait fallu 2 ans pour les voir... de plus." CQFD. Bong sans mais c'est bien sûr !), Emeline a subitement la révélation et, telle une tigresse enragée, décide de faire mordre la poussière à ce nécrophore de Blake... euh Harry. C'est alors un déluge d'insulte et de reproches. Pas la peine de transcrire, c'est tout des biip. ("De toutes façon, c'est un biip.", vous voyez ça n'a aucun intérêt, autant regarder Dynastie). Et la vengeance sera terrible : "Je lui réserve une surprise pour le dernier jour, quelque chose qui va vraiment le blesser, au plus profond de lui, mais il va vraiment tomber de très haut... il va m'en vouloir, je vais lui mettre la honte." Ah enfin un peu de nobles sentiments. Ca fait du bien.

Illustration : Dynasty, 1981-1989

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