mercredi 30 août 2006

La fuite de Sodome et Gomorrhe 2


Nous avons quitté Mélanie et Vincent en pleine lessive de printemps. Mais il y a foule à la blanchisserie ce soir, et nos autres couples ont aussi du linge sale à se balancer dans la figure. Bon OK, Joël et Jennifer sont immaculés, du coup bizarrement, ça fait presque tache. Joël a d'ailleurs mis son plus beau débardeur blanc ("oh toi aussi tu es en blanc, j'en étais sûr, moi aussi regarde, je t'aime !"). En fait, ils font presque peur à force de répéter que "je veux prouver que l'amour existe toujours, et la fidélité aussi". Autant de bonnes intentions, ça donne envie de fuir en courant.

Pourtant les 24 heures précédant les retrouvailles s'étaient magnifiquement bien passées. Joël était parti avec Tiphaine et semblait à l'aise comme un poisson dans une boîte de petits pois. Pour preuve ces passionnantes conversations sur la météo et même parfois des saillies telles que "il fait chaud hein". Jennifer était elle partie avec Adriano qui, malgré un prénom exotique avec des A et des O dedans, n'a rien pu faire. On sentait le séducteur au bord de l'implosion à chaque fois que son accompagnatrice lui disait "tu comprendras quand tu seras amoureux". Effectivement, ça doit agacer. C'est comme si vous tentiez de comprendre une blague pas drôle et qu'on vous répondait "tu comprendras quand tu auras de l'humour". Bref les retrouvailles des amoureux ont été à la hauteur du taux d'agent de blanchiment dans la lessive du couple : éclatantes. Vraiment un débardeur aussi blanc c'est encore plus beau que la fidélité. Ca donne envie d'y croire. En la lessive bien sûr.

Eric, lui, avait revêtu pour l'occasion du feu de camp final son plus beau débardeur à paillettes. Un autre style donc. Eric a été touché par la grâce, il n'arrête pas de parler de chemin, d'essentiel, d'osmose et tout un tas de trucs qui n'existent que dans les magazines de psycho et du coup donnent envie de s'abonner. Il en devient quasi mystique, d'ailleurs il voit des signes partout. Enfin surtout quand Gyselle est collée à lui. "Tu veux une fille ou un garçon en premier? Un garçon? Moi aussi. Ca me fait peur tous ces signes qu'on a en commun, on a pas mal de signes en commun, pas mal de choses en commun". Effectivement c'est flippant, on dirait un disque rayé. Mais plus flippant encore est son imitation, lors de l'ultime dîner avec Gyselle, de Marlon Brando dans le rôle de Don Corleone dans Le Parrain quand il dit à la future mère de son fils, en remontant le menton et en fronçant les sourcils, la tête en arrière : "C'est dchur maintenant, on va se quitter". On se demande s'il va la flinguer. Mais non.

Sandra de son côté s'est retrouvée avec Cyril, qui s'était pris un râteau avec Jennifer-tu-comprendras-quand-tu-seras-amoureux. Autant dire qu'il est remonté comme un coucou : "moi je me fixe pas de limites, Sandra me plait physiquement et ya qu'une seule chambre". D'ailleurs la tactique est bonne car la proie est lasse : "Cette relation avec Eric m'a épuisée, je suis vide". C'est le moment d'en profiter et de dire des trucs constructifs et imparables comme "l'avenir est devant toi, le passé c'est le passé, j'ai envie de te serrer dans mes bras". Le lendemain, Cyril expliquera que Sandra "a ôté les barrières". Oui la mode est à la barrière cet été. Comment ça se porte une barrière au fait ?

Les retrouvailles entre Sandra et Eric n'en furent que plus sereines. De vieux potes qui se retrouvent et qui se racontent leurs vacances. Alors et toi, tu as cédé à la tentation ? Ah oui c'est dingue moi aussi. (ou plutôt "tu as cédché à la tentatchion ? Zarma moi aussi"). Ca doit faire bien plaisir d'entendre son ex vous dire "Je me suis laissé aller vraiment" ou "C'était un super bon moment". On se serre la main ? Non vraiment, merci bien, c'était très sympa, tu me commandes un taxi ? Et chacun de partir sur son "chemin". Le chemin vers la découverte de soi. Ou alors le chemin vers le bol de sangria, on ne sait pas exactement.

Emeline et Harry, qui s'étaient rencontrés dans un centre commercial, se sont donc séparés sur une plage de sable blanc. Ca aurait pu être l'inverse, mais non. Harry, qui pourtant avait revêtu son plus beau débardeur noir, flippait quand même un peu de retrouver sa chère et tendre, dont il disait avec une élégance qui n'appartient qu'à lui qu'il allait la regretter parce qu'elle nettoie très bien la moquette. Oui mais quelle idée d'avoir de la moquette aussi ? Et pourquoi pas une toile cirée sur la table de la cuisine pendant qu'on y est ? Bref Harry confiait, à l'aube des retrouvailles, que "je suis en train d'appréhender comment ma meuf va réagir". Phrase étonnante venant d'Harry, qui nous avait habitué à moins d'introspection (je parle du mot de 4 syllabes dans la phrase bien sûr).

Ils avaient eux aussi passé "une très bonne nuit" la veille, chacun avec leur tentateur et tentatice préférés, qui les avaient tentaté et tentatricé bien comme il faut. Emeline avait prévenu : "Je vais me lâcher complètement". Elle avait donc choisi Nicolas qui est "quelqu'un de très sincère". La preuve, Nicolas nous explique que "ma tactique première, c'est qu'il n'y a pas vraiment de tactique, mais je dis les choses cash... avec Emeline j'ai été autrement". L'essentiel, même si ça ne veut rien dire, c'est que ça marche.

Harry avec Fany, avait commencé à se torturer les méninges : "Dans ma tête je me dis c'est peut-être une erreur de l'avoir connue". Après cette tempête de cerveau, Harry est épuisé et il dort déjà quand Fany, qui rappelons-le est né en 1988, c'est-à-dire après la naissance du rap (tout le monde s'en fout, mais moi j'en reviens toujours pas), vient le chercher vêtue d'une simple ficelle bleue. De toutes façons, peu importe, Harry c'est le regard qu'il aime chez Fany (pour être précis "elle a un regard laisse tomber, c'est quoi ce regard, elle m'a rendu ouf").

Mais les explications, qu'on nous promet "explosives", arrivent enfin. En fait, point de dynamite mais tout juste un petit pétard mouillé de finale France-Italie. Harry, qui a fait trop de phrases commençant par "je me dis dans ma tête que", ne tient plus en place et veut se sauver au bout de 18 secondes de franche explication du style "c'en est arrivé... je vais pas te faire un dessin, bon je m'en vais". Avant de partir, Emeline lui avoue son terrible secret : pendant leur relation, elle n'a jamais cessé de revoir son ex et d'avoir des relations avec lui. Ce à quoi Harry rétorque avec une majesté qui surpasse allègrement la finesse de la déclatation d'Emeline : "eh ben moi j'ai revu toutes mes exs, une par une, sur internet !". Dans ces cas là, je crois qu'il faut savoir se dire "point trop n'en faut" et s'arrêter là. Je laisse le mot de la fin à Harry : "Ce fut un plaisir Céline, et puis à la prochaine comme on dit chez nous". Ah oui vraiment, ce fut un plaisir.

Illustration : Sodome et Gomorrhe (1980), Mikael Levin

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